Par Chérif Abdedaïm, le 31 mars 2017
Le jeu de mots est facile mais l’armée syrienne vient de réaliser une excellente opération à Deir Hafer, l’un des verrous du nord, en prenant la ville quasiment sans combattre. Les petits hommes en noir sont en débandade dans la région depuis la chute d’Al Bab, où les Turcs avaient si chèrement ferraillé pour le plus grand bonheur (et profit !) de Damas. Désormais, le nord est sécurisé et la retraite daéchique ne peut que s’accélérer afin de ne pas être pris entre deux feux.
Les YPG kurdes et l’US Air Force ont en effet mené une audacieuse opération aéroportée derrière les lignes de défense de l’EI à l’ouest de Taqbah. Une tête de pont a été établie, coupant la route Deir Hafer-Raqqa et permettant d’attaquer la capitale califale par le nord, l’est et l’ouest :
Rappelons que c’est sur la route de Taqbah que l’armée syrienne avait connu une terrible désillusion l’année dernière. Avec une partie d’Alep encore aux mains des djihadistes, un territoire en peau de léopard, les axes de communication non sécurisés et l’absence d’alliance avec les Kurdes, les conditions n’étaient sans doute pas encore réunies à l’époque pour les loyalistes. Désormais, elles le sont même si ce sont les Kurdes qui mettent la main sur le point stratégique.
Dans son palais, le sultan, déjà passablement exaspéré par le rapprochement russo-kurdo-américain et les rumeurs chaque fois plus consistantes de coopération entre Russes et Kurdes, doit friser l’attaque d’apoplexie. L’on note d’ailleurs un certain rafraîchissement entre Ankara et Moscou.
Mais on peut comprendre que, voyant la situation complètement lui échapper, il frôle la crise de nerf. Peut-il aller plus loin ? Sans doute pas… La crise gagne la Turquie, le chômage monte et le sultan, dont la popularité est de moins en moins assurée, ne peut se permettre de se mettre à dos la Russie, ni économiquement ni stratégiquement. En un mot, Erdogan est coincé.
Revenons à nos moutons de Taqbah… Si le commandant américain a fait remarquer que « le régime et la Russie ne seront pas contents car ils voulaient contrôler la ville », cela semble plutôt participer de l’opération de com’. En réalité, la concomitance des offensives sur Deir Hafer et Taqbah n’a échappé à personne. Quelques heures après le parachutage kurdo-US, les combattants daéchiques de Deir Hafer, menacés d’être coupés de Raqqa, ont dû sonner la retraite, laissant la ville à l’armée syrienne. Une coopération syro-kurde et, derrière, américano-russe ne serait pas pour nous surprendre…
Toujours est-il que l’offensive kurde encerclant Raqqa a le mérite d’obliger Daech à se redéployer et à dégarnir ses autres fronts. Les loyalistes assiégés à Deir ez Zoor depuis des années vont pouvoir souffler avec le départ de plusieurs bataillons de l’EI. De même, après la prise de Deir Hafer susmentionnée, les troupes d’élite des Tiger Forces ont été envoyées d’urgence au nord de Hama où les djihadistes « modérés » de l’Idlibistan ont lancé l’offensive. Ainsi qu’à l’est de Damas où l’armée syrienne, après avoir été un temps en difficulté, regagne le terrain perdu.