Par Chérif Abdedaïm, le 7 décembre 2016
Quel espoir pour les Palestiniens ? Avec les fameuses promesses de Barack Obama lors de son discours du Caire, les Palestiniens avaient cru en instant à un règlement du conflit. Malheureusement le locataire de la Maison Blanche n’a rien tenu de ses promesses. Avec maintenant l’élection de Donald Trump, les dés sont jetés d’avance. Une position claire qui ne laisse aucun espoir aux Palestiniens.
Dans un article de la Jewish Press sous titré : Le énième serment d’allégeance de Donald Trump à Israël, Donald Trump exprime clairement sa position : « J’aime Israël… Ma fille et son mari juif élèvent leurs enfants dans la foi juive… Mon administration sera aux côtés du peuple juif et des dirigeants israéliens… Ensemble nous ferons face aux ennemis d’Israël qui, comme l’Iran, veulent détruire l’Etat juif et son peuple. »
Cela dit, il n’est pas étonnant que l’élection de Donald Trump soit largement célébrée en Israël, l’un des seuls pays où l’opinion lui était largement favorable. La droite israélienne espère qu’il mettra un terme à la critique — purement formelle — de la colonisation, voire qu’il acceptera de transférer l’ambassade des États-Unis à Jérusalem.
Dans aucun autre pays au monde la détestation de Barack Obama par une majorité de l’opinion et l’espoir de voir élu Donald Trump n’auront été aussi manifestes qu’en Israël. Pour beaucoup d’Israéliens, la victoire inattendue du Donald, « The Donald », comme disent les Américains, a fait figure de divine surprise. Ministre de l’intérieur et dirigeant du parti sioniste religieux séfarade Shas, Aryeh Deri, a ainsi déclaré : « Nous devons réellement être entrés dans des temps messianiques pour que tout tourne aussi favorablement pour le peuple d’Israël. ». Plus prosaïquement, le ministre de l’éducation, Naftali Bennett, chef du Foyer juif, un parti religieux ultranationaliste fer-de-lance de la colonisation des territoires palestiniens a déclaré que « l’ère de l’État palestinien est terminée ».
La victoire de Trump a donc été instantanément « perçue par la droite israélienne comme l’occasion d’augmenter la construction de colonies ». Ses membres espèrent que ce nouveau président facilitera aussi l’extension de la politique de démolition des maisons palestiniennes, en particulier à Jérusalem-Est. Leur priorité va au lancement de chantiers coloniaux auxquels l’administration Obama s’était fraîchement opposée, en particulier dans trois secteurs nommés E1, Givat Eitam et Givat Hamatos. Leur construction créerait une continuité territoriale isolant définitivement Jérusalem-Est de son environnement palestinien. Les plans israéliens sont prêts depuis longtemps, mais jusqu’ici Benyamin Nétanyahou n’a pas autorisé les mises en chantier. « Tout progrès de ces plans dans les mois à venir indiquerait un changement d’atmosphère entre Jérusalem et Washington ».
D’autres plans d’extension des colonies attendent un aval officiel. De même, dès le 9 novembre, lendemain de la victoire de Trump, les députés de la droite coloniale, majoritaires, approuvaient en lecture préliminaire une loi légalisant les colonies israéliennes dites « illégales » en Cisjordanie et empêchant leur démolition.
Netanyahou, attendant de voir les premières mesures de Trump, s’y opposait. Mais, après une semaine de négociations pour préserver sa coalition, il finissait par s’y rallier. D’après certains observateurs, Netanyahou tentera de persuader Trump que la question palestinienne a perdu de son importance dans la région et qu’il faut concentrer les efforts contre « le terrorisme fondamentaliste » musulman, sans distinction : qu’il s’agisse de l’organisation de l’État islamique (EI), du Hezbollah ou du Hamas. Il cherchera aussi à le convaincre d’accroître les sanctions contre l’Iran, à défaut de pouvoir dénoncer l’accord avec Téhéran sur le nucléaire. Enfin, visiblement, Netanyahou s’inquiète aussi d’un trop grand rapprochement américano-russe sur le dossier syrien. « Si Trump s’engage dans une réconciliation avec Poutine, écrit le spécialiste militaire du quotidien Haaretz, Amos Harel, cela constituera un formidable succès pour le régime de Bachar Al-Assad –- et ce ne sera clairement pas une bonne nouvelle pour Israël, vu l’alliance d’Assad tant avec l’Iran qu’avec le Hezbollah ».
On voit ainsi qu’avec Trump à la Maison Blanche, la prochaine guerre par procura-sion est programmée d’avance. En revanche, vis-à-vis de Moscou, le milliardaire est plus conciliant que sa concurrente. C’est peut-être parce qu’il connaît mieux qu’elle les priorités stratégiques de Tel Aviv : d’abord en finir avec Assad, puis éliminer le Hezbollah libanais et le régime de Téhéran en se servant pour cela du levier russe. Le tour de Moscou viendra plus tard : chaque chose en son temps…
Quant aux Palestiniens, totalement oubliés de la campagne américaine — seul le sort des Israéliens comptait —, ils interprètent l’élection de Donald Trump, écrit Amira Hass, comme un signe supplémentaire du déclin continu de la place des Etats-Unis dans le monde. La population n’imagine pas que cette élection puisse noircir plus qu’il ne l’est déjà un quotidien socialement très difficile et politiquement sans issue. Quant à l’Autorité palestinienne, elle balance entre la crainte de se voir bientôt privée, comme l’exige une partie de l’entourage du magnat américain, des subsides américains qui lui permettent d’exister, et l’idée que l’état de droit américain devrait brider les éventuelles velléités de Trump de modifier la ligne diplomatique historique de son pays, et préserver ainsi la perspective, aujourd’hui sans matérialité, d’un futur « État palestinien ».
Chérif Abdedaïm