Chronique: Un petit cadeau pour le sultan

Par Chérif Abdedaïm, 1er mars 2016

Ni vu ni connu, un navire russe doté des fameux missiles Kalibr est arrivé au large des côtes syriennes. Rappelons que le tir, depuis la Caspienne, de dizaines de Kalibr sur Daech en octobre a pris de court beaucoup de monde et a gentiment changé la donne stratégique, à la fois au Moyen-Orient (en bon joueur d’échecs, Poutine semblait donc prévoir un conflit qui finirait par dépasser la simple lutte contre les terroristes modérés) et même plus globalement.

Interrogé sur l’arrivée du Zeleny Dol à Tartous, un responsable militaire russe a répondu avec une admirable ambigüité : « La mission du navire au large de la Syrie n’a pas été précisée, mais sa participation à l’opération militaire n’est pas exclue ». Les éventuelles colonnes turques sont prévenues…

De quoi faire réfléchir le sultan qui a tout fait cette semaine pour créer les conditions d’une irruption dans le nord syrien. Battage médiatique autour de l’hôpital de MSF touché par des missiles (les Sukhois utilisent plutôt des bombes et le précédent de la Ghouta ne plaide pas pour le sultan du sarin), bombardements sur les YPG kurdes qui continuent néanmoins leur avancée vers la frontière turque et du récent attentat d’Ankara.

Ah quelle coïncidence ! Alors que le sultan éructe depuis des jours contre la reconnaissance du PYD par Moscou et Washington, hop la, un attentat… La condamnation des YPG est un peu trop rapide (12 heures, record du monde !) pour être sérieuse. Le rush chez les partenaires pour montrer de manière précipitée la responsabilité du PYD rend assez suspecte l’attitude du gouvernement turc. Mais Davutoglu atteint carrément le point culminant de la bouffonnerie en rendant Damas « directement responsable de l’attentat » ! Et pourquoi pas du réchauffement climatique tant qu’on y est…

La hâte des clowns turcs relève de la farce et leur enlève toute crédibilité. Qui espèrent-t-ils convaincre ? Il serait très étonnant que les Américains changent leur fusil d’épaule. Seuls les ectoplasmes européens, victimes du chantage aux réfugiés, seraient susceptibles de tomber volontairement dans le panneau. Nous l’avons dit, le sultan est acculé et prêt à tout, y compris envoyer ses soldats à la boucherie dans le nord syrien. Quelques missiles pour lui reKalibrer la tête pourraient être utiles…

Mais tout ce brouillamini n’empêche pas la Russie de signer contrats sur contrats dans le domaine militaire (derniers en date : Mexique et Inde) ni la Chine de faire feu de tout bois. Pékin ouvre sa première base militaire en Afrique, continue sa course folle aux armements révolutionnaires et prévoit de lancer en collaboration étroite avec la Russie 100 satellites dont la finalité n’est pas tout à fait claire…

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