Chronique : À l’heure du «Patriot Act»

Par Chérif Abdedaïm, le 13 février 2015

patriot act

 

« Quiconque est disposé à abandonner une partie de sa liberté au nom d’une prétendue sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre » (Benjamin Franklin, un des pères de l’Indépendance américaine, 1706-1790). « Encore deux ou trois attentats comme celui du 11 septembre, et nous avons un régime fasciste en Amérique »
(Norman Mailer, écrivain américain). Suite aux attentats du 11 septembre et sans perdre de temps, le Congrès réalise l’union sacrée et adopte dès le 14 septembre, à la quasi-unanimité, une loi « « autorisant l’usage de la force militaire contre les responsables des récents attentats contre les Etats-Unis », un texte donnant pratiquement carte blanche au Pentagone. Seule Barbara Lee, députée démocrate de Californie, s’oppose à ce coup de force.
Quelques semaines plus tard, les élus américains sanctionnent une loi « antiterroriste » intitulée « Unir et renforcer l’Amérique en lui fournissant les outils appropriés pour barrer la route et faire échec au terrorisme », ce qui donne USA PATRIOT. Un acronyme pas très original, sans doute, mais suffisant pour impressionner durablement le cerveau prélavé de l’Américain moyen, endoctriné dès le cours préparatoire par la prière quotidienne, le serment d’allégeance, les clichés pseudo-historiques, le chauvinisme national, etc. (à propos de cette mise en condition, lire ici http://www.serendipity.li/wot/gumbel.htm, un article d’Andrew Gumbel, correspondant aux Etats-Unis du quotidien britannique The Independent).
Au Sénat, sur cent élus, un seul – Russ Feingold (du Wisconsin) – ose voter non. A la Chambre des Représentants, un certain nombre de démocrates qui avaient accepté la première loi sans la lire, se souviennent qu’ils sont censés former l’opposition: il y a 66 voix contre (sur 435). Al Gore, vainqueur théorique de l’élection présidentielle de novembre 2000, mais perdant réel à la suite d’une parodie de dépouillement et d’on ne sait quelle tractation financière entreprise en coulisse, s’incline publiquement devant « son président » et « son commandant en chef ».
Le projet de loi USA PATRIOT, bien que comportant plusieurs centaines de pages, est adopté sans le moindre débat, en l’espace de 72 heures; aucun député n’a eu le loisir d’en étudier les détails. En temps normal, il faut plusieurs mois pour faire passer un texte de cette envergure. Tout laisse donc à penser que la loi était prête depuis un certain temps et que ses initiateurs n’attendaient que le moment favorable pour la présenter.
Cela dit, après les attentats contre Charlie Hebdo, les expressions « 11 septembre français » et « Patriot Act » sont relayés par certains hommes politiques français. Ainsi, pendant la manifestation du 11 janvier, les parlementaires français applaudissaient debout le discours martial d’un Manuel Valls préparant le terrain à un Patriot Act bien à la « française ». Christian Jacob, élu UMP, allait même jusqu’à intimer, sans doute au nom de la liberté d’expression et sans trop de contradicteurs, de « restreindre les libertés publiques et individuelles de certains ».

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