Entretien : Georges Londiche, (Auteur du livre: « Guerre et « guerre » d’Algérie , à La Nouvelle République : «Je suis toujours resté proche de ce pays»

image La Nouvelle République: En remettant les Carnets du maquisard à la veille du 1er novembre au directeur des moudjahidine à Mila, pensez-vous que vous avez réalisé l’objectif que vous vous étiez fixé ?

Georges Londiche : Oui et dans des circonstances que je n’aurais pas osé imaginer. Quand un ancien, très ancien moudjahid que vous rencontrez dans la rue le lendemain de la présentation du livre que vous avez écrit sur la guerre 1954-1962, et qu’il vous dit que « la soirée d’hier a été très émouvante », je peux vous dire que cela remue à la fois l’estomac, la tête et le cœur.

Quels ont été vos premiers sentiments en retrouvant le sol algérien après l’avoir quitté il y a 43 ans ?

Il y a 43 ans, j’ai quitté le sol algérien, mais, de fait, je suis toujours resté proche de ce pays de par ma carrière professionnelle dans les travaux publics où les Algériens sont nombreux. Durant ce court séjour, je constate que mes camarades algériens de travail ne bluffaient pas quand ils me parlaient de leur pays, même s’ils mettaient plus l’accent sur ce qui allait que sur ce qui n’allait pas, ce qui est, somme toute, bien normal. 43 ans séparent l’Algérie que j’avais connue à 20 ans de celle d’aujourd’hui. Il faut avoir connu ces deux Algéries pour mesurer le chemin parcouru depuis l’indépendance. Un exemple significatif : je suis venu de France dans un avion d’Air Algérie piloté par un équipage algérien et vendredi je repartirai dans les mêmes conditions.

Vous venez de passer une semaine parmi les Algériens. Avez-vous l’impression de retrouver l’image préconçue par beaucoup de vos concitoyens ?

Cela m’ennuie de répondre à cette question. Pas pour les Algériens, mais pour les Français qui sont certes, pas tous, mais nombreux, à imaginer l’Algérie, quand ils n’y sont jamais allés, qu’avec du sable, des palmiers et des chameaux. Pour nombre de Français, anciens combattants, l’Algérie est restée le pays des djebels. Ça l’est d’ailleurs toujours et les montagnes sont toujours là ! Pour eux, c’est resté le pays de la guerre qu’ils ont connue et à laquelle, avec plus ou moins de zèle, ou sans zèle du tout, ils ont dû participer.

Aux Algériens, vous avez apporté un message de paix, ; quel message porterez-vous aux Français en revanche ?

Et si on inversait la chose ? Je pense que les Algériens ne doivent pas attendre de message de paix de la France. Enfin, quoi ? Un pays colonise un autre pendant 132 ans dont sept ans de guerre pour arracher l’indépendance et aujourd’hui encore, il laisse présenter les soldats de l’ALN et les militants du FLN comme des barbares ou des ignorants, et vous voulez que l’Algérie attende un message de paix ? S’il est un message de la France que l’Algérie est en droit d’attendre, c’est la condamnation sans appel de la torture en Algérie dénoncée par de nombreux militaires français, parfois de haut rang. Quant à mes concitoyens, que voulez-vous que je leur dise ? Ma voix ne les atteindra pas. Beaucoup sauront que des Français sont venus en Algérie pour ce cinquantième anniversaire, que Bachelet a chanté à Alger et je m’en réjouis, mais très peu, quelques dizaines, sauront qu’un ancien appelé des troupes aéroportées a débarqué à Constantine le 29 octobre 2004 à 19 heures, que quatre heures plus tard il s’endormait à Ferdjioua, que le soir du 1er novembre il passait la nuit dans un hôtel à Jijel, que le lendemain il se rendait à Rouached qui a dû changer en 50 ans d’indépendance plus qu’en 132 ans de présence française, et que vendredi matin à 7h55, il quitte Ferdjioua pour s’envoler à bord un avion d’Air Algérie à destination de son pays.

Un dernier mot ?

Voilà, j’ai répondu de mon mieux à vos questions et je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer. Si elles ne vous satisfont pas, dites-vous bien que les faits cités sont strictement vrais.

Entretien réalisé par Chérif Abdedaïm (La Nouvelle République le 6 novembre 2004)

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